Canalblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Publicité
Feuilleplume
13 juillet 2015

PNJ IRL #6

Une nouvelle inspirée de l'univers de Fabien Fournier, plus particulièrement de Néogicia et de Noob, mais qui peut aussi se lire sans connaître ces deux oeuvres.

Le destin étrange d'un personnage... de jeu vidéo ?

Pour les néophytes : PNJ = "personnage non joueur" d'un jeu vidéo, qui donne généralement une quête au héros incarné par le joueur et répète toujours les mêmes phrases.
IRL = "in real life" ("dans la vie réelle")

DEBUT

PAGE PRECEDENTE

 

Les jours suivants, la vie quotidienne reprit petit à petit ses droits. Mes nerfs ne me lâchèrent plus, mais je sentais en permanence un immense vide dans mon cœur. Un soir, pour me changer les idées et m'aider à trouver le sommeil, je décidai de relire les aventures de ma détective préférée. A cette heure, la bibliothèque était fermée, mais ce n'était pas un souci pour moi. Quelques années plus tôt en effet, j'avais « emprunté » le passe-partout de la bibliothécaire pouvoir venir lire hors de ses heures de travail. Il m'avait déjà servi à de nombreuses reprises ! Je ne l'avais révélé à personne, pas même à Bilana ; de toute façon, cela ne l'aurait sans doute pas tellement intéressée, car les livres n'étaient pas vraiment sa grande passion...

C'est donc avec la force de l'habitude que je me faufilai discrètement dans les couloirs, dissimulant une lampe de poche dans mon peignoir. Un coup d'œil aux alentours pour m'assurer que nul ne risquait de me surprendre, un tour de clef et j'étais déjà dans la bibliothèque, dont je refermai évidemment aussitôt la porte. La serrure bien entretenue ne grinçait pas du tout, pas plus que les gonds ; j'y veillais personnellement !

Je lisais depuis environ une heure quand soudain, des bruits de pas et de chuchotements dans le couloir attirèrent mon attention. L'oreille aux aguets, j'entendis le bruit d'une clef dans la serrure. J'éteignis précipitamment ma lampe de poche et je me glissai en silence derrière mon fauteuil de lecture préféré, situé au fond de la salle. Outre son dossier, plusieurs rayonnages remplis de livres me cachaient à la vue de ceux qui entrèrent dans la bibliothèque et en refermèrent, eux aussi, la porte à clef. Bien sûr, je ne pouvais pas non plus les voir, mais je les reconnus à leurs voix : il s'agissait de madame Hétaira et de son petit groupe de favoris.

Au début, je fus tout excitée d'assister en cachette à l'une de leurs fameuses réunions auxquelles je brûlais d'impatience de pouvoir assister de plein droit, mais ce que j'entendis de leur discussion me fit l'effet d'une douche froide, et même glacée. Le moins que l'on puisse dire, c'est qu'ils n'évoquèrent pas la mémoire de Bilana avec respect ! Madame Hétaira la qualifia même de « cette petite idiote qui avait failli foutre en l'air leurs affaires ». Comme je n'entendais pas toute la conversation, je ne compris pas très bien à quelles affaires elle faisait référence.

Par chance pour moi, l'une des filles prit la défense de Bilana, et le ton monta quelque peu, rendant tous leurs propos audibles de derrière mon fauteuil. Elle souligna qu'elle avait toujours dit que Bilana était trop jeune pour ces choses-là, même si son physique avantageux lui donnait l'air d’être plus âgée. Agacée par cette remise en cause de sa décision, la directrice lui demanda sèchement si elle voulait la rejoindre dans son bureau pour y être radiée du carnet de rendez-vous et renoncer à tous les cadeaux que lui faisaient les hommes qu'elle lui présentait. D'un ton contrit, la fille, que je ne parvenais pas à identifier à sa voix car je ne fréquentais pas assez les dernières années pour cela, s'excusa alors et affirma que cet arrangement – elle insista sur ce mot d'une manière assez bizarre – lui convenait parfaitement.

Cette petite altercation étant réglée, madame Hétaira cita alors mon nom, à ma grande surprise. Avec un petit rire satisfait, elle déclara que j'avais fourni une explication d'une grande crédibilité et que la police s'en était contentée sans farfouiller plus loin. Cependant, par précaution, elle annonça qu'elle préférait suspendre pour une quinzaine de jours leurs soirées particulières – elle aussi insista étrangement sur cette expression. Enfin, elle rappela avec vigueur qu'il était plus que jamais indispensable de faire preuve d'une totale discrétion. Tout le monde acquiesça.

Quelques instants plus tard, j'étais de nouveau seule dans la bibliothèque, sous le choc de ces révélations dont je craignais de comprendre les terribles implications...

Je sortis toutefois bien vite de ma stupeur, grâce à la colère que je ressentis contre la manière inacceptable dont ils avaient traité ma malheureuse amie. Ma décision était prise : il fallait que je tire cette histoire au clair, et tout de suite ! Pour me donner du courage, je glissai le livre des aventures de mon héroïne détective dans la poche intérieure de mon peignoir. J'attendis quelques minutes pour être sûre que tous les participants de cette réunion secrète s'étaient suffisamment éloignés, puis je quittai les lieux à mon tour, dans le plus grand silence. Mes nombreuses escapades littéraires nocturnes m'avaient heureusement donné d'excellentes habitudes en la matière.

Sans un bruit, en prenant le temps d'observer les lieux avant de progresser, j'atteignis le bureau de la Directrice. D'après ses dires, j'avais en effet déduit qu'il devrait contenir un certain carnet de rendez-vous, et j'espérais que celui-ci me permettrait de faire la lumière sur la sombre vérité que je venais d'entrevoir. Il ne me restait plus qu'à ouvrir la porte... C'était le moment de vérifier si le passe-partout de la bibliothécaire méritait vraiment son nom ! Je fus ravie de constater que c'était le cas. Evidemment, je pris soin de refermer derrière moi. C'était quasiment devenu un réflexe.

Décidément, la chance me souriait, cette nuit-là : par les fenêtres, entrait assez de lumière de la lune pour que je n'aie pas besoin d'allumer ma lampe de poche pour me repérer dans la pièce, entre fauteuils luxueux et guéridons surchargés de bibelots précieux.

A présent, il était temps que je mette en pratique tout ce que mes romans policiers m'avaient enseigné depuis tant d'années. Je ne devais pas céder à l'envie de tout retourner bêtement pour trouver l'objet que je cherchais. Cela me prendrait trop de temps et risquerait de produire assez de bruit pour que je me fasse repérer.

Non : il fallait que je réfléchisse, que je me mette à la place de la directrice, que je pense comme elle. Si j'étais madame Hétaira, où dissimulerais-je un document aussi important ?

Pas dans un objet précieux : elle aimait trop les faire admirer à ses visiteurs en expliquant complaisamment à quel point ils avaient de la valeur.

Pas derrière un tableau : avec leurs épais encadrements dorés, ils étaient trop lourds pour être déplacés facilement et rapidement en cas de besoin.

Pas derrière un des meubles richement sculptés et décorés : trop peu pratiques à déplacer eux aussi, et en plus, cela aurait pu laisser des marques d'usure ou des plis sur les magnifiques mais délicats tapis.

Peut-être dans un tiroir à double fond du bureau ? C'était possible mais peu probable : pas assez subtil, car c'était le premier endroit auquel penserait un éventuel intrus.

Et puis, je les vis, si banales et inintéressantes, négligemment empilées sur des étagères dans un coin de mur derrière le bureau : les boîtes en carton contenant chacune le dossier d'un des orphelins depuis le jour de son arrivée, certaines posées là depuis des années et des années, à demi décolorées et poussiéreuses. Je fus tentée de récupérer la gourmette où mes parents avaient fait graver mon prénom, mais je me retins. Ce n'était pas ce que j'étais venue chercher, et si madame Hétaira se rendait compte que quelqu'un avait touché à son fameux « carnet de rendez-vous », sa disparition pourrait me trahir.

J'étais convaincue que ce document était dissimulé dans l'une de ces boîtes, mais en examiner le contenu une par une serait trop fastidieux et me prendrait le reste de la nuit, ce qui n'était guère envisageable. Il fallait donc que je procède encore par déduction pour découvrir quelle était la bonne.

Pour cela, la lueur complice de la lune n'allait pas suffire ; je me résolus donc à faire usage de ma lampe de poche, en atténuant autant que possible son faisceau de mes mains pour ne pas attirer l'attention du surveillant de garde lors de sa ronde. Je lus chaque nom et chaque date inscrits sur les étiquettes, à la recherche d'un indice qui me mettrait sur la bonne piste.

Ça y est, c'était ça ! L'une des boîtes portait l'inscription « Kandie ». Je savais que c'était le prénom de madame Mispony. De plus, madame Hétaira avait dû trouver amusant d'y indiquer la date de son départ à la retraite... Elle était rangée sur la deuxième étagère en partant du bas, environ aux trois-quarts de la ligne, vers la droite. Je reconnus que c'était un bon emplacement pour passer inaperçu : il fallait pratiquement se mettre à quatre pattes sur le sol, et l'étiquette était à demi cachée derrière une des barres de renfort des étagères.

 

PAGE SUIVANTE

 

Incursion dans un autre monde

Publicité
Publicité
Commentaires

robocop-unicorn

Publicité
Newsletter
Feuilleplume
Publicité