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Feuilleplume
24 août 2015

PNJ IRL #12

Une nouvelle inspirée de l'univers de Fabien Fournier, plus particulièrement de Néogicia et de Noob, mais qui peut aussi se lire sans connaître ces deux oeuvres.

Le destin étrange d'un... personnage de jeu vidéo ?

Pour les néophytes : PNJ = "personnage non joueur" d'un jeu vidéo, qui donne généralement une quête au héros incarné par le joueur et répète toujours les mêmes phrases.
IRL = "in real life" ("dans la vie réelle")

DEBUT

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Cela avait débuté un peu plus de dix ans auparavant. Un éminent scientifique à l'intelligence véritablement exceptionnelle, Aniel Akson, s'était fait remarquer en prenant des positions pour le moins à contre-courant de la société impériale. Il n'hésitait pas à déclarer en public que c'était une erreur pour les Néogiciens de se couper totalement de la magie qui imprégnait Olydri, et que l'usage exclusif de la technologie serait une impasse à long terme. Il affirmait aussi, à qui voulait l'entendre, qu'il regrettait amèrement ses anciens pouvoirs magiques, et il allait jusqu'à dénoncer l'ostracisme dont faisait preuve l'autorité impériale envers ceux qui en étaient encore pourvus.

Au départ, par respect pour le brillant génie du professeur, cette même autorité impériale avait fait mine de ne rien remarquer, mais très vite, certains s'offusquèrent de ses virulentes attaques contre le système en place et exigèrent qu'on le fasse taire d'une manière ou d'une autre. Il fut traité de fou, de dégénéré, de menace pour la sécurité de l'Empire, mais en fait, ce fut surtout sa propre sécurité qui fut menacée, car quelques-uns de ses adversaires tentèrent de s'en prendre physiquement à lui.

Il fallut l'intervention de l'Empereur Keynn Lucans en personne pour apaiser les esprits échauffés. Cependant, contrairement à ce que réclamaient certains hauts dignitaires, il refusa de bannir le professeur Akson ou, plus radicalement encore, de le faire « exécuter pour l'exemple ». Sans doute ne souhaitait-il pas se priver de cette intelligence supérieure dont les recherches avaient déjà fait progresser à pas de géant plusieurs domaines scientifiques. Il décida donc de l'envoyer dans l'une des bases les plus secrètes et isolées de l'Empire afin qu'il puisse y exercer sereinement ses talents ; c'est-à-dire sans pouvoir faire de vagues. Officiellement, cela ressemblait assez à une mise au placard pour satisfaire les mécontents, mais officieusement, le professeur eut accès à tout ce qu'il estimait nécessaire à ses travaux, notamment des cobayes humains dotés de magie, ce qui aurait été inimaginable dans son laboratoire de Centralis.

Durant presque six ans, Aniel Akson vit échouer toutes ses expériences visant à lier technologie et magie, mais jamais il ne se découragea. On lui permit de poursuivre sur cette voie, pourtant apparemment sans issue, parce que dans le même temps, avec son habituelle facilité déconcertante, il mit au point des améliorations majeures dans l'exploitation de l'énergie de la rosaphir. Grâce à ses inventions, la quantité de pierre nécessaire pour faire fonctionner toutes sortes d'objets issus de la technologie fut pratiquement diminuée de moitié, ce qui était suffisamment révolutionnaire pour lui passer ses fantaisies, d'autant qu'elles ne dérangeaient désormais plus personne.

Et puis un jour, il y eut l'accident qui fit tout basculer.

Le professeur Akson expérimentait ce qu'il appelait « le portail de résonnance entre le flux magique primordial et la rosaphir ». C'était, selon lui, la voie la plus prometteuse pour prouver ses théories sur la compatibilité entre la magie et la technologie, mais comme il disait cela à chaque nouvelle piste qu'il explorait, les autres chercheurs du laboratoire – dont le docteur Karter, fraîchement nommée à la fois pour ses compétences scientifiques et son goût pour le secret – n'avaient pas prêté particulièrement attention à ce qu'ils jugeaient comme une élucubration de plus. Toutefois, les expériences du professeur étant généralement aussi spectaculaires qu'inefficaces, la plupart du personnel avait saisi cette occasion d'échapper à la routine parfois ennuyeuse de la base. Il y avait donc pas mal de spectateurs, qui seraient évidemment trop bien élevés pour se moquer ouvertement de l'échec prévisible de leur collègue, mais qui n'hésitaient pas à parier en douce sur les causes et les conséquences dudit échec.

Flatté d'avoir un public si nombreux, Aniel Akson l'avait gratifié d'un discours grandiloquent qui, au fond, ne faisait que reprendre sa rengaine habituelle sur l'impasse technologique dans laquelle l'Empire s'était engagé et sur l'importance cruciale d'allier les pouvoirs de la rosaphir à ceux de la magie. Quand il s'était enfin tu, au soulagement général, il avait entrepris de mettre en route toute une série de machines à l'usage totalement inconnu de l'auditoire, lequel s'était prudemment tassé à l'autre bout de la salle. Au milieu de la machinerie, l'un des cobayes humains et magiciens régulièrement fournis au professeur était solidement sanglé à une table métallique et relié à plusieurs appareils tout aussi mystérieux, en particulier un grand anneau de métal suspendu juste au-dessus de lui.

Divers bruits cliquetants, chuintants et grinçants se firent entendre. Un petit nuage de vapeur s'échappa, faisant espérer ceux qui avaient parié sur une explosion ou un incendie. Un vague halo brumeux et lumineux apparut dans le cercle de métal, qui tournait à présent sur lui-même à une vitesse assez modérée. Apparemment, cela ne convenait pas aux projets du professeur, qui actionna un levier en marmonnant qu'il fallait plus de puissance.

Pendant une minute environ, il ne se passa rien de plus, puis soudainement, les choses s'emballèrent. Tous les mécanismes accélérèrent rapidement, y compris l'anneau métallique qui se mit à tourner à très vive allure. Un violent flash lumineux éblouit les spectateurs, tandis que le professeur s'exclamait d'une voix un peu paniquée que la rosaphir échappait à son contrôle et risquait de faire griller toute l'installation. L'homme attaché poussa un bref mais puissant cri de douleur.

Quand leurs yeux se remirent de leur éblouissement, les chercheurs restèrent bouche bée devant ce qu'ils découvrirent. Dans l'anneau de métal tournoyant, était apparu un paysage. On y voyait une ville étrange, telle qu'il n'en existait aucune en Olydri, pas plus dans l'Empire que dans la Coalition ou l'Ordre.

Stupéfaite, je ne pus m'empêcher d'interrompre le récit de Samtha Karter.

– Mais si ce n'était pas une ville d'Olydri, où était-elle ?

L'équipe du laboratoire s'était évidemment posé la même question, mais avant qu'elle n'ait le temps d'étudier davantage cet étrange paysage, l'expérience avait soudainement pris fin. Le fragment de rosaphir alimentant le système s'arrêta d'un seul coup, entièrement déchargé après s'être autant emballé. Quant à l'homme lié à la table, il avait perdu conscience mais paraissait encore vivant, ce qui était un point positif puisqu'il pourrait sans doute être réutilisé.

Frustré par l'interruption brutale de cette expérience au résultat aussi inattendu qu'extraordinaire, le professeur sortit la pierre inerte de son logement. Il allait falloir beaucoup de temps pour que son niveau d'énergie remonte, et c'était un matériau tellement précieux et rationné ! Rageusement, il la jeta sur le corps tout aussi inerte du cobaye humain.

Ce qui se produisit alors resta gravé à jamais dans la mémoire des chercheurs présents. L'émotion de Samtha Karter quand elle me le raconta était encore palpable après toutes ces années. Une sorte d'aura lumineuse s'éleva de l'homme et sembla être aspirée par la rosaphir. Le phénomène dura environ trois ou quatre minutes avant que la lueur ne s'éteigne. Empli d'un fol espoir, Aniel Akson se saisit précautionneusement du fragment et le déposa dans un testeur d'énergie. Tous furent sidérés quand le nombre de 100 % s'afficha sur l'écran, et plus encore quand le professeur se lança dans une sorte de danse de la victoire en poussant de petits cris de joie, répétant sans cesse qu'il avait enfin réussi. Son enthousiasme finit par devenir contagieux et chacun se mit à le féliciter en riant et en tenant des propos plus ou moins compréhensibles, avec l'impression de participer à une fantastique aventure, même si personne n'avait la moindre idée de ce qui venait de se produire exactement.

 

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Incursion dans un autre monde

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robocop-unicorn

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