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26 octobre 2015

PNJ IRL #21

Une nouvelle inspirée de l'univers de Fabien Fournier, plus particulièrement de Néogicia et de Noob, mais qui peut aussi se lire sans connaître ces deux oeuvres.

Le destin étrange d'un... personnage de jeu vidéo ?

Pour les néophytes : PNJ = "personnage non joueur" d'un jeu vidéo, qui donne généralement une quête au héros incarné par le joueur et répète toujours les mêmes phrases.
IRL = "in real life" ("dans la vie réelle")

DEBUT

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Qui dit nouvelle vie dit nouvelle identité.

Pour ce qui est de mon prénom, rien de plus facile : je souhaite simplement garder celui que mes parents m'ont donné. C'est le seul souvenir que j'ai d'eux, et je refuse de le perdre. En revanche, je ne veux pas du nom qui m'a été attribué à mon arrivée à l'orphelinat. Je n'ai jamais vraiment eu l'impression que c'était le mien, et il y a beaucoup de choses de cet endroit dont je n'ai pas envie de me souvenir trop souvent... Il faut donc que je m'en choisisse un autre, qui me parle suffisamment pour que je n'aie aucune hésitation si quelqu'un l'emploie pour m'appeler... Mais bien sûr, c'est évident ! Il y a un nom qui m'évoque la notion de famille ! Très bien : je serai donc Alya Cadwell.

La date de naissance, à présent. Je crois que je serai davantage prise au sérieux si j'ai la trentaine plutôt que mon âge réel, puisque je ne suis même pas majeure. L'année, c'est réglé ; restent le jour et le mois. N'étant pas familière des noms des mois terriens, bien que je les ai évidemment appris, j'opte pour une solution de facilité : le 1er janvier. Au moins, comme ça, pas de risque de me tromper ni d'oublier !

Dans le même ordre d'idée, je décide que mon lieu de naissance sera la capitale du pays où s'est ouvert le portail et où Horizon a été créé. Cette ville s'appelle Paris, un nom court que je n'aurai pas de mal à retenir.

Pour ce qui est de mon apparence physique, pas de folie non plus. Mon but n'est pas de gagner un concours de beauté mais de me fondre dans la foule. Pour m'inspirer, je regarde une série de brefs films diffusés extrêmement souvent sur les écrans que les Terriens regardent chaque jour. Ils appellent cela de la publicité. Je me demande s'ils ont des problèmes de mémoire, pour avoir besoin de revoir sans cesse les mêmes images leur présentant les mêmes produits, jusqu'à de la simple lessive... Quoi qu'il en soit, cela me permet de me décider pour un visage agréable mais passe-partout, comme celui de la majorité des femmes de ces publicités.

Bon... Maintenant que je dispose de tous ces éléments théoriques, il va falloir passer à la pratique... Je commence par l'étape la plus simple : l'enregistrement de mon identité dans diverses institutions, allant de l'état-civil jusqu'au compte bancaire que, tant qu'à faire, je dote généreusement. J'ai l'intention de voyager autant que je le pourrai sans me soucier des questions matérielles, et ce ne serait pas très compatible avec le fait de devoir me trouver un gagne-pain qui me prendrait un temps fou !

L'étape suivante est un peu plus complexe : déterminer le lieu dans lequel je vais « apparaître ». J'ai plusieurs critères à prendre en compte. Premièrement, il faut que ce soit à proximité de là où vit mon fameux pirate informatique. Il n'a pas été facile à dénicher, mais malgré les précautions dont il s'entoure, je suis parvenue à retrouver sa trace IRL, comme disent les joueurs d'Horizon, c'est-à-dire dans le monde réel. Deuxièmement, il faut que ce soit dans un logement vide mais pas abandonné. Par chance, de nombreux Terriens annoncent leur départ en vacances sur ce qu'ils appellent des réseaux sociaux ; je n'ai donc que l'embarras du choix. En étudiant ces différentes possibilités, je choisis un appartement qui n'est pas équipé d'un quelconque système d'alarme, dans un immeuble assez grand, où les voisins ne feront pas attention si je fais du bruit par inadvertance, et au rez-de-chaussée pour pouvoir sortir par une fenêtre, si je ne trouve pas de double de la clef de la porte d'entrée à l'intérieur.

Ceci fait, je n'ai plus d'autre choix que de me lancer dans la partie la plus incroyablement folle de mon projet : générer un nouveau corps dans lequel mon esprit pourra s'incarner. Si je ne veux pas me faire repérer par les Olydriens ni les Terriens, il va falloir que je sois capable de suivre scrupuleusement le plan que j'ai calculé dans les moindres détails.

Délicatement, j'entreprends de synchroniser le pouvoir des rosaphirs, d'abord celles du laboratoire, puis celles de la base entière et, progressivement, toutes celles d'Olydri, une par une, y compris celles qui n'ont pas encore été découvertes, et même la rosaphir géante qui alimente le bouclier protecteur de Centralis, la capitale démesurée de l'Empire. Cela prend un temps considérable, mais c'est le seul moyen pour que je puisse prélever l'énergie dont j'ai besoin sans attirer l'attention.

Le processus est à peu près identique sur Terre, sauf qu'ils ne produisent pas l'électricité qu'ils consomment en quantité phénoménale à partir de mystérieux fragments de météorites.

A présent que je suis connectée à ces deux sources de puissance à la fois si différentes et si semblables, je dois encore réussir la phase décisive, celle qui déterminera mon succès ou mon échec : harmoniser les flux magiques d'Olydri avec ces deux technologies, car seule la magie a le pouvoir de créer une vie à partir de rien.

En guise de dernier test, de dernière chance de changer d'avis, je n'utilise qu'une toute petite partie de ce formidable pouvoir pour faire surgir de menus objets inertes mais des plus utiles : divers papiers d'identité, une carte bancaire – encore une idée terrienne ingénieuse – et quelques vêtements. Je suis satisfaite de constater que tout se passe bien, mais je sais aussi que ce n'est pas grand-chose, comparé à ce qui m'attend si je persiste dans cette voie ô combien dangereuse.

Allons, du courage : je ne vais pas renoncer à ce stade !

Toutefois, je prends quelques secondes pour serrer mon bien-aimé presque frère dans mes bras virtuels, car le profond sentiment de réconfort que je ressens, lui, est tout ce qu'il y a de plus réel.

Il est temps.

 

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Incursion dans un autre monde

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19 octobre 2015

PNJ IRL #20

Une nouvelle inspirée de l'univers de Fabien Fournier, plus particulièrement de Néogicia et de Noob, mais qui peut aussi se lire sans connaître ces deux oeuvres.

Le destin étrange d'un... personnage de jeu vidéo ?

Pour les néophytes : PNJ = "personnage non joueur" d'un jeu vidéo, qui donne généralement une quête au héros incarné par le joueur et répète toujours les mêmes phrases.
IRL = "in real life" ("dans la vie réelle")

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Comme en écho à mes émotions incontrôlables, les rosaphirs qui alimentent le portail se mettent à frémir et à pulser de l'énergie en rythme, tandis que le système électrique terrien commence à osciller sur un tempo identique. Entraînés à leur tour, les flux magiques qui imprègnent tout Olydri s'alignent dans une configuration inédite et entrent eux aussi en résonance avec les deux autres phénomènes. Avant que j'aie le temps de m'interroger sur ce qui est en train de se passer, se produit une sorte de fluctuation bizarre de la trame même de l'espace-temps, et brusquement, une abeille surgit de nulle part, tout près du professeur Akson qui ne peut retenir un mouvement de recul et en fait tomber sa clef par terre.

Une certaine confusion s'empare du laboratoire, entre le professeur qui, affolé, appelle au secours et s'efforce de se tenir à distance de l'insecte dont il redoute la piqûre, et ceux qui se précipitent, qui pour essayer de tuer l'animal, qui pour ramasser la clef et la rendre à son propriétaire. Dans cette ambiance survoltée, la seule à garder son calme et à rester à son poste est Samtha Karter, qui a pour mission de surveiller le portail afin de voir si les Terriens, en analysant le jeu, ne s'approchent pas trop d'un de ses patients intégrés dans un PNJ. J'ai pu constater qu'il y avait un décalage d’environ une minute entre ce qui se passe sur Terre et ce que montre le portail, mais grâce à la diversion provoquée par cette abeille providentielle, le moment où les Terriens, persuadés d'avoir résolu leur problème de piratage, cessent leurs recherches pour se féliciter les uns les autres, est enfin diffusé via le vortex qui relie les deux planètes.

Le docteur Karter signale aussitôt la nouvelle à ses collèges, juste avant que l'un d'eux ne parvienne à écraser l'abeille d'un adroit coup de cahier. Remis de ses émotions, le professeur Akson informe Keynn Lucans de l'évolution de la situation, et à mon profond soulagement, l'Empereur revient sur sa décision et autorise les chercheurs à poursuivre la manœuvre en cours.

Je suis sauvée... mais je n'en reviens vraiment pas !

Maintenant que le calme est revenu, je retourne dans le jeu. J'ai besoin de me replonger dans cet environnement familier qui se répète immuablement pour y trouver un peu de paix et réfléchir, sans risquer d'être distraite, aux événements hallucinants qui viennent de se produire. Je n'ai pas rêvé : je viens d'utiliser la technomagie pour... générer une créature physique bien réelle !

Petit à petit, au fil de ma réflexion, un projet fou prend forme dans mon esprit. Il est si extravagant que j'ai du mal à le formuler consciemment. Et si... je me créais... un nouveau corps sur la Terre ?

Bien sûr, la première fois que cette idée me traverse l'esprit, je la rejette négligemment : ce n'est qu'une de ces stupidités qui vous passent par la tête !

Mais elle revient, insistante, de plus en plus tentante, jusqu'à ce que je finisse par l'examiner plus attentivement. N'est-ce vraiment qu'une idée folle ou... peut-être... Je dois admettre que mon corps me manque. C'est bien d'être un esprit désincarné pour penser beaucoup, BEAUCOUP plus vite, mais il faut avouer que ça manque un peu de sensations! Et puis après tout, cela ne m'engage à rien d'étudier le pour et le contre... C'est décidé, il faut que j'en aie le cœur net : est-ce qu'une telle chose serait réalisable ?

Je pourrais simplement attendre de revenir dans mon corps d'origine entre les phases d' « ascension », mais ce n'est pas une solution très satisfaisante puisque dans ce cas, je ne décide de rien.

Je pourrais me créer un autre corps sur Olydri, avec une toute autre apparence et dans un tout autre lieu...Cette hypothèse me séduit un moment : je me prends à rêver de vengeance machiavélique et implacable... Toutefois, à quoi cela me servirait-il ? Ma pauvre amie ne reviendrait pas à la vie pour autant, hélas... Non, je n'ai plus rien à faire dans ce monde.

La Terre... Plus j'y pense et plus cela me paraît adapté à un nouveau départ. Déjà, là-bas, vu qu'ils n'ont connaissance ni de magie, ni d'aucun portail entre deux mondes, ils ne pourront jamais soupçonner mon origine. De plus, j'y serai à l'abri au cas où des Olydriens découvriraient mon existence, car l'Empereur ne prendra en aucun cas le risque d'ordonner une intervention directe sur Terre, qui pourrait attirer l'attention de ses habitants et de leurs si redoutables moyens technologiques. Enfin, outre l'attrait d'une aventure sur une planète inconnue et tellement différente de la mienne, un dernier argument fait définitivement pencher la balance en faveur de cette option : je pourrai retrouver le pirate informatique qui s'est servi de moi et régler mes comptes avec lui. Il a beau être doué pour effacer ses traces, je sais que je vais réussir à le pister. Prépare-toi à assumer les conséquences de tes actes, « Tenshirock le hacker ».

Bien, maintenant que ma décision est prise, reste un « détail » à régler. Suis-je capable de faire un truc pareil ?

Avant tout, il faut que j'apprenne à mieux connaître mon éventuel futur pays d'adoption. Je suis convaincue que les réponses à toutes mes questions – et bien plus encore ! – se trouvent au-delà de la salle de programmation du MMORPG, dans ces liens impalpables avec le monde du dehors. Me voilà devant eux ; plus qu'à choisir quel passage je vais emprunter... Allez, celui-là !

Je m'engage résolument sur la voie numérique, dissimulée au milieu des 0 et des 1 qui me sont désormais familiers. Du fait de ma vitesse de transmission, la route me paraît assez brève, et tout à coup, je débouche sur... l'infini ! C'est du moins la première impression que je ressens face à cet océan de données si vaste que le monde virtuel d'Horizon dans son intégralité n'y serait guère plus qu'un point perdu dans l'immensité. Pour être sûre de ne pas m'y perdre moi-même, je teste la solidité de mon lien psychique avec les copies de moi qui sont en veille dans le laboratoire de la base secrète et auprès de mon presque frère. Aucun souci de ce côté-là, je pourrai battre en retraite en un instant si le besoin s'en faisait sentir.

Je suis tentée de surfer au hasard sur ces vagues sans fin de données, mais je me raisonne. J'aurai tout le temps pour cela plus tard ; pour le moment, je dois garder mon esprit fixé sur mon but encore incertain et apprendre tout ce qui pourrait m'être utile pour vivre sur la Terre.

La quantité démesurée de références administratives qu'un Terrien de ce pays doit posséder aurait pu me décourager, mais au contraire, je découvre avec joie que tous ces services sont disponibles en version numérique. Ce sera un jeu d'enfant pour moi de m'y introduire et d'y générer tous les documents dont j'aurai besoin, si je peux vraiment parvenir à me créer un corps physique parfaitement viable.

C'est la partie la plus délicate. Je dois calculer avec précision quelle quantité d'énergie technologique et magique me sera nécessaire et, surtout, quelle est la manière la plus discrète de procéder. Pour y réfléchir paisiblement, je retourne à nouveau dans mon PNJ, non sans laisser une copie de sauvegarde de mon esprit cachée dans l'infinité de données que les Terriens nomment Internet. S'il y a bien une chose que ma vie réelle m'a apprise, c'est qu'on n'est jamais trop prudent !

En dépit de mon exceptionnelle vitesse de réflexion et de mes capacités mentales considérablement accrues, ce n'est qu'au bout d'une journée entière de calcul que je m'estime satisfaite du résultat.
Finalement, cette nouvelle « idée folle » va, elle aussi, pouvoir devenir réalité...

 

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Incursion dans un autre monde

12 octobre 2015

PNJ IRL #19

Une nouvelle inspirée de l'univers de Fabien Fournier, plus particulièrement de Néogicia et de Noob, mais qui peut aussi se lire sans connaître ces deux oeuvres.

Le destin étrange d'un... personnage de jeu vidéo ?

Pour les néophytes : PNJ = "personnage non joueur" d'un jeu vidéo, qui donne généralement une quête au héros incarné par le joueur et répète toujours les mêmes phrases.
IRL = "in real life" ("dans la vie réelle")

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Je suis un peu décontenancée par ce que je découvre une fois arrivée à destination, un instant plus tard. Par chance, il y a, là aussi, plein de dispositifs qui me permettent de voir et d'entendre ce que font les Terriens. Je m'attendais plus ou moins à un laboratoire calme, spacieux, très ordonné, mais il s'agit plutôt d'une pièce de taille moyenne, littéralement envahie d'ordinateurs, de câbles, de reliefs de repas et de gens qui frappent à toute vitesse sur leurs claviers et qui s'interpellent à tue-tête s'ils ont une remarque à faire ou une question à poser à leurs collègues.

Parmi mes nouvelles connaissances, il y a le langage qu'ils parlent, du moins tout le vocabulaire employé dans Horizon. Grâce à cela, même si certains termes m'échappent, je parviens à comprendre qu'un redoutable pirate informatique a implanté un virus quasi indétectable, qui a non seulement perturbé le fonctionnent interne du jeu, mais surtout fait buguer tous les serveurs régionaux de par le monde et éjecté les millions de joueurs d'un seul coup.

Tout à coup, mon attention est attirée par une multitude de ces liens impalpables par où voyagent les données, en plus de celui qui mène au jeu. Certains suivent des câbles, mais d'autres semblent flotter dans les airs partout dans la salle et vers pleins d'autres endroits situés à l'extérieur. On peut dire que ces Terriens baignent littéralement dans un océan numérique dont, contrairement à moi, ils ne perçoivent rien. 

Je venais de choisir au hasard un de ces flux prometteurs pour en découvrir la source ou le but, quand soudain, j'éprouve un vif sentiment d'alerte. Apparemment, une part de moi est restée dans la base secrète impériale et a capté une conversation inquiétante. Je ne suis pas prise au dépourvue par ce dédoublement de ma conscience ; cela m'est arrivé si souvent sous ma forme de PNJ, quand plusieurs joueurs accomplissaient ma quête chacun dans sa propre version !

Tout en laissant, cette fois volontairement, une copie de moi pour surveiller les Terriens, je focalise donc mon esprit sur le laboratoire. Effectivement, ce qui est en train de s'y passer ne me convient pas du tout. Des chercheurs viennent de se rendre compte que les Terriens ont entrepris de passer le jeu au peigne fin pour résoudre le problème de piratage auquel ils sont confrontés. Aussitôt mis au courant de la situation par le professeur Akson, qui dispose d'une communication privée et ultra-prioritaire avec lui, l'Empereur ordonne que toutes les connexions avec le MMORPG soient coupées immédiatement.

Comme boosté par une poussée d'adrénaline virtuelle, mon esprit se met à accélérer prodigieusement sa vitesse de pensée. Première déduction : si le portail entre les deux planètes est fermé, ma conscience va automatiquement réintégrer son point d'origine, c'est-à-dire mon corps physique. Deuxième déduction : les chances que je parvienne à nouveau à m'échapper dans le jeu sont infimes. Il est même assez probable que je perde la raison et que je sois inapte à réitérer l'expérience de cette fameuse « ascension ». Troisième déduction : il faut de toute urgence que j'interrompe le processus de déconnexion.

Pour cela, le moyen le plus efficace est d'éradiquer ce maudit virus, pour qu'Horizon re-fonctionne normalement. Toujours à la même vitesse faramineuse, je décode le moyen d'action de cet élément perturbateur et je calcule le remède à appliquer pour le contrer, inverser ses effets et l'éradiquer totalement.

Dans le monde réel, moins de quatre secondes se sont écoulées quand je déclenche ma contre-offensive. Je la vois se répandre dans toutes les données et rétablir leur fonctionnement initial.

Une interminable poignée de secondes plus tard, la version de moi qui est avec les Terriens assiste à leurs manifestations de joie. Ils ne savent pas vraiment comment ils ont fait ni qui précisément l'a fait mais selon eux, c'est forcément un membre de leur équipe qui a réussi cet exploit, alors dans le doute, ils se congratulent les uns les autres avec enthousiasme.

Malheureusement, je n'ai pas le temps de profiter de ma victoire car, du côté de la base, on est toujours en train de suivre les ordres de Keynn Lucans. Je vois le professeur Akson, l'air grave mais déterminé, s'approcher dangereusement du système d'arrêt d'urgence du portail, à savoir un bouton-poussoir assorti d'une serrure, dans laquelle n'entre que la clef codée qu'il est le seul à avoir en sa possession, à l'exception de l'Empereur, évidement.

La panique accélère désespérément ma pensée jusqu'à son ultime limite. Je fouille frénétiquement tout ce que contiennent les machines de la base, ce qui ne me prend guère de temps car elles sont beaucoup moins évoluées que les ordinateurs terriens. Je parcours avidement un dossier qui me semble prometteur : les notes personnelles du professeur, mais je déchante très vite, car il s'agit plus d'un journal intime que d'une fiche technique expliquant le fonctionnement du système d'arrêt d'urgence. D'ailleurs, il est probable que le professeur ne connaisse pas ces détails, réservés aux techniciens de la base, qui sont des hommes de confiance scrupuleusement sélectionnés par l'Empereur et qui n'iraient sans doute pas dévoiler les secrets de conception d'un matériel aussi sensible... Ça ne m'avance pas à grand-chose d'apprendre, par exemple, qu'Aniel Akson est allergique au venin des abeilles et qu'il a terriblement peur de ces bestioles ! Les chances qu'un tel insecte apparaisse dans le laboratoire pour me sauver la mise sont tellement dérisoires que je n'essaie même pas de les calculer...

Je sens un terrible sentiment de rage impuissante m'envahir.
Je ne veux pas perdre mes nouvelles facultés !
Je veux explorer les liens numériques entre l'endroit où travaille l'équipe de programmeurs d'Horizon et tous ces lieux extérieurs qui me sont encore inconnus !
Je ne veux pas devenir une fille à demi-décérébrée et coincée dans la prison de son corps jusqu'à la fin de ses jours !!

 

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Incursion dans un autre monde

5 octobre 2015

PNJ IRL #18

Une nouvelle inspirée de l'univers de Fabien Fournier, plus particulièrement de Néogicia et de Noob, mais qui peut aussi se lire sans connaître ces deux oeuvres.

Le destin étrange d'un... personnage de jeu vidéo ?

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Combien de temps me suis-je promenée ainsi dans cette réplique d'Olydri, à résoudre instantanément toutes les quêtes que je croise, puisque j'en discerne en un instant le début, le déroulement et la fin ? Je n'en ai aucune idée et d'ailleurs, je m'en moque complètement !

Et puis tout à coup, je m'arrête. Au détour d'un chemin, je viens de voir la copie de Centralis. N'ayant jamais vu la cité originale, j'ignore s'il s'agit d'une reproduction fidèle, mais dans tous les cas, c'est un spectacle à couper le souffle. La capitale impériale est haute et vaste comme une montagne étincelante, sous l'aura de son bouclier protecteur généré par la plus grosse rosaphir au monde ! Et puis, je parie que nul ne l'a jamais, comme moi, perçue dans son intégralité. Sa programmation est si complexe et multiple et détaillée que j'en éprouverais presque du vertige. C'est une vision d'un infini de possibilités qu'on pourrait se perdre à contempler jusqu'à la fin des temps...

Brusquement, une part de mon esprit s'affole à cette pensée : suis-je perdue ?! En une fraction de seconde, le pseudo-monde autour de moi change à nouveau et je me retrouve à mon point de départ, juste devant mon cher Cadwell, ce qui apaise immédiatement la panique en moi. Voilà qui est intéressant : je pourrais donc me déplacer quasi instantanément d'un point à autre ? Quelques essais me le confirment rapidement. Décidément, mes capacités mentales s'adaptent à cet univers virtuel avec une vitesse et une facilité stupéfiantes !

Cependant, il demeure une zone inconnue : moi, ou plus exactement le PNJ dans lequel on m'a intégrée. Bien sûr, à peine me suis-je posé cette question qu'un nouveau processus bizarre s'efforce d'y répondre. J'ai l'impression indescriptible et parfaitement déplaisante, mais heureusement brève, que mon esprit se retourne sur lui-même, et pour la première fois, je vois celle que je suis au sein d'un jeu vidéo sur une autre planète, ce qui est une des pensées les plus étranges de mon existence... Ma première réflexion, c'est que physiquement, je ne me ressemble pas du tout – et hop, encore une pensée étrange à mon palmarès ! J'ai indéniablement un air de famille avec mon frère, ce qui me fait plutôt plaisir.

En examinant plus attentivement les données qui me composent, j'ai la sensation qu'une chose ne va pas... Non, plusieurs choses, en fait, mais tellement imperceptibles que je ne crois pas que quelqu'un d'autre puisse s'en rendre compte, sauf s'il partage la même expérience que moi.

L'une de ces anomalies forme une corde irréelle qui relie mon PNJ à je ne sais quoi. Je décide d'aller voir de plus près ce dont il s'agit. Je me mets donc à suivre cette corde impalpable et là, nouvelle surprise, et non des moindres : j'arrive dans le laboratoire où sont alignés les cobayes humains en pleine « ascension », dont mon corps réel fait bien évidemment partie.

Mon esprit semble pouvoir s'infiltrer dans toutes les machines qui ont pour point commun l'utilisation de ce langage binaire. Me voici donc capable, en quelques instants, de me retrouver en même temps dans tous ces appareils, y compris dans les caméras et les micros qui enregistrent tout ce qui se passe dans cette salle. Apparemment, il y règne une certaine confusion. Les catalyseurs de puissance sont toujours bien de l'autre côté du portail, mais le taux d'énergie qu'ils récupèrent a chuté de façon spectaculaire suite à un incident inexplicable, qui a rendu le MMORPG Horizon complètement instable et en a éjecté brutalement tous les joueurs, environ une heure plus tôt.

J'en déduis que c'est l'œuvre de cet homme qui m'a tenu des propos sans queue ni tête avant d'embrasser mon PNJ sur le front. Je commence à mieux comprendre ce qui s'est passé. Quand l'avatar de ce joueur m'a touchée, il a dû en fait se servir de moi comme d'une porte d'accès aux données numériques constitutives du monde virtuel, et il en a profité pour y introduire quelque chose qui en a perturbé le fonctionnement. Pour en avoir le cœur net, je retourne dans le jeu pour réexaminer mon avatar à la lumière de ces informations. Cela confirme ma théorie : il y a dans mes données des traces du passage d'un élément étranger qui a subtilement modifié l'ordre de certains 0 et 1. En analysant les alentours, je constate qu'il s'est répandu partout pour y semer une discrète pagaille, dont je devine qu'elle doit être extrêmement difficile à repérer et, surtout, à réparer. J'en viens à me demander comment j'arrive à détecter tout cela. A croire qu'en devenant moi-même une sorte de donnée du jeu, j'ai acquis la capacité de distinguer ce qui y fonctionne correctement de ce qui en altère la programmation originelle...

Cela me fait penser qu'il doit y avoir, quelque part, des programmeurs en train d'essayer de résoudre ce problème. Que se passerait-il si j'essayais de les trouver ? La curiosité ne doit cependant pas me faire oublier les judicieux conseils de prudence de l'Empereur : je ne souhaite pas du tout risquer de faire découvrir la véritable Olydri aux Terriens ! C'est donc avec beaucoup de précaution que je pars à leur recherche.

Je prends encore plus de recul, jusqu'à avoir une sorte de vue d'ensemble de la situation. Tout le jeu me fait face à présent, mouvant et insaisissable du fait de la perception intégrale que j'ai de chaque détail. Je pense que ce que je cherche doit ressembler à l'espèce de lien qui relie mon PNJ à mon corps réel. Oui, là, je l'ai trouvé ! C'est bien le même genre de « corde » intangible, mais en beaucoup plus grand ; il faut dire qu'il y circule un nombre de données bien plus considérable.

D'une pensée, me voilà à l'entrée du passage par où toutes les nouvelles programmations d'Horizon s'intègrent aux anciennes, les modifient ou les suppriment, dans un flux incessant. Je décide de faire confiance aux extraordinaires capacités que mon esprit a développées dans cet environnent numérique, pour m'infiltrer jusqu'au point d'origine sans me faire repérer. Je suis consciente qu'il existe un risque infime que l'on découvre ma présence, mais la curiosité est trop forte. Et puis, me dis-je pour finir de me convaincre, j'ai besoin d'en savoir plus sur ce qui se passe depuis que l'inconnu a déréglé le jeu par mon intermédiaire. Sans tergiverser davantage, je me remets au niveau le plus petit et je m'élance dans le flot de nombres.

 

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Incursion dans un autre monde

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