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Feuilleplume
14 septembre 2015

PNJ IRL #15

Une nouvelle inspirée de l'univers de Fabien Fournier, plus particulièrement de Néogicia et de Noob, mais qui peut aussi se lire sans connaître ces deux oeuvres.

Le destin étrange d'un... personnage de jeu vidéo ?

Pour les néophytes : PNJ = "personnage non joueur" d'un jeu vidéo, qui donne généralement une quête au héros incarné par le joueur et répète toujours les mêmes phrases.
IRL = "in real life" ("dans la vie réelle")

DEBUT

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Les semaines qui suivirent furent sans doute les plus éprouvantes que connurent les prisonniers de la base. A chaque fois qu'ils servaient à ouvrir un portail, ils étaient torturés pour récupérer un maximum d'énergie pour recharger des pierres vidées en d'autres circonstances.

Samtha trouvait cela révoltant : il devait exister un moyen moins cruel de procéder ! Hélas, ce sujet n'intéressait guère ses collègues, tout occupés qu'ils étaient à accumuler, en plus d'une source de puissance gigantesque, des connaissances sur ce nouveau monde qui s'offrait à eux. Constatant leur indifférence face à ses préoccupations, le docteur Karter se lança alors dans ses propres recherches scientifico-médicales. Il ne lui fallut qu'une dizaine de jours pour parvenir à des résultats très encourageants et beaucoup plus supportables par ses patients. Leurs analyses sanguines révélèrent une forte augmentation d'adrénaline et d'autres hormones liées aux souffrances qu'on leur infligeait. C'était sans doute la clef du phénomène qui les transformait en « piles vivantes » ; or, d'autres stimuli bien moins pénibles provoquaient des réactions similaires sans mettre leur vie en danger. Samtha réussit même à mettre en évidence qu'une alternance d'émotions négatives et positives, par exemple une grande peur suivie d'un profond soulagement, générait des capacités de réceptacle énergétique meilleures que celle produite par la seule souffrance physique, aussi intense fût-elle.

Malheureusement, un obstacle demeurait : il n'était pas facile de déclencher sur commande l'état psychique adéquat. Samtha était convaincue qu'il était possible de mettre au point un appareil capable d'interférer avec l'esprit des cobayes magiciens, puisqu'une transe hypnotique y parvenait, mais là encore, elle se heurta au manque d'intérêt des chercheurs, pour qui la torture physique représentait un moyen simple et efficace de produire l'effet désiré. De plus, ils n'utilisaient que des criminels civils ou militaires ; ces gens-là n'avaient-ils pas mérité leur sort ?

Ecœurée par ce raisonnement tellement contraire à ses convictions, Samtha, en désespoir de cause, avait fini par jouer une dernière carte qui, si elle échouait, lui coûterait certainement sa carrière : elle écrivit à l'Empereur en lui résumant la situation et en lui demandant une audience privée pour lui exposer ses arguments.

Après une angoissante semaine sans réponse, Keynn Lucans l'invita à venir lui rendre visite dans l'une de ses résidences, située dans une ville assez proche de la base. Le cœur battant la chamade, elle lui parla de sa découverte, qui pourrait considérablement améliorer le sort de ses patients – elle insista sur ce terme – tout en permettant de recueillir une quantité d'énergie équivalente, voire plus élevée. Bien sûr, cela nécessitait de prendre le temps de développer une interface efficace pour agir sur les émotions des catalyseurs de puissance – c'était désormais l'expression officielle pour désigner les cobayes humains – mais au final, cela n'apporterait que des bénéfices. Certes, il semblait plus simple, dans l'immédiat, d'employer la douleur physique comme vecteur, mais l'Empire pouvait-il vraiment asseoir son pouvoir sur la torture sans remettre en question ses valeurs fondamentales ?

Suite à son exposé et surtout à sa dernière tirade, Samtha se sentit soudainement épuisée, les mains tremblantes, dans l'attente de la décision de l'Empereur... jusqu'à ce que sa réponse la regonfle à bloc : il acceptait de donner suite à sa proposition et, mieux encore, il la félicitait pour l'humanité dont elle faisait preuve face à la tâche si difficile qu'il lui avait confiée !

Ce fut le début d'une nouvelle ère pour le docteur Karter. Maintenant qu'elle avait le soutien de l'Empereur, on prêta à ses théories une oreille infiniment plus attentive. Un brillant spécialiste du psychisme, Erasm Mentä, vint bientôt renforcer les rangs des chercheurs de la base. Seulement trois mois après son arrivée, il mit au point le premier générateur virtuel d'émotions. Le plus étonnant, c'est que pour y parvenir, il s'inspira des fameux MMORPG de la Terre, qui étaient précisément conçus pour procurer des émotions aux millions de joueurs qui se passionnaient pour les aventures de leurs avatars.

Il ne se moqua pas non plus de Samtha lorsqu'elle se décida à lui parler de cette idée bizarre qui lui trottait dans la tête depuis que l'un des prisonniers était accidentellement entré dans l'esprit d'un Terrien endormi et qu'il lui avait transmis des données sur Olydri. Depuis ce mystérieux incident, le Terrien en question, dont l'ambition était justement de créer un de ces MMORPG si populaires, faisait l'objet d'une surveillance régulière, toujours quand il était éveillé, pour minimiser les risques d'un autre contact involontaire qui aurait pu le faire douter qu'il ne s'agisse que d'un rêve étrangement réaliste. Mais... que se passerait-il si ce contact, au lieu d'être involontaire, était au contraire parfaitement contrôlé ? Ne pourrait-on pas imaginer influencer subtilement son esprit inconscient, de manière à ce qu'il crée un monde virtuel à l'image du véritable monde d'Olydri ? Ce pourrait être la cachette parfaite pour y camoufler des catalyseurs de puissance, sous l'apparence de PNJ soumis indéfiniment à des flots répétitifs d'émotions contrastées, récupérant ainsi un maximum d'énergie technomagique sans se faire repérer !

Cette « idée folle » enthousiasma Erasm Mentä, qui déclara qu'il fallait sans attendre en parler à l'Empereur. Avant d'en arriver là, Samtha tint à partager ce plan un peu hasardeux avec Saryü : qui, mieux que celui qui était entré en contact avec l'esprit du Terrien, pourrait donner un avis valable sur sa faisabilité ? De fait, le prisonnier fut très intéressé par ce projet, d'autant que depuis ce premier contact, il espérait secrètement avoir une nouvelle occasion d'établir un lien avec un habitant de cet autre monde qu'il avait entrevu. Il était convaincu de sa capacité à influencer les « songes » du Terrien à sa guise ; il faut dire que ses pouvoirs magiques s'exerçaient précisément dans le domaine de la télépathie et du contrôle mental.

Mis au courant, Keynn Lucans prit le temps de réfléchir avant de donner son accord. Il rappela avec insistance la nécessité absolue de ne pas se faire repérer par les Terriens, que ce soit le concepteur de MMORPG ou n'importe quel autre. Un seul faux-pas à ce niveau signerait l'arrêt immédiat de l'utilisation du portail pour de très, très nombreuses années, et accessoirement la mise au secret de tous les participants, chercheurs comme cobayes.

Heureusement, ses craintes se révélèrent vaines. Avec l'aide d'Erasm et de Samtha, Saryü parvint à instiller progressivement des connaissances sur Olydri durant les périodes de sommeil du Terrien, qui ne se douta jamais qu'il pouvait s'agir d'autre chose que de rêves particulièrement inspirants.

En revanche, il lui fallut du temps, beaucoup de temps, pour finaliser ce MMORPG... Samtha n'en revenait pas que concevoir un jeu puisse être aussi long ni mobiliser autant de personnes, non seulement pour peaufiner les quêtes qui devraient captiver les joueurs, mais aussi pour résoudre d'innombrables difficultés techniques, pour rendre ce monde virtuel aussi réaliste et immersif que possible, selon les termes consacrés que Saryü expliquait au fur et à mesure.

Cela dura si longtemps que Samtha me dit que cela faisait à peine quelques mois que le MMORPG avait été lancé, sous le nom d'Horizon.

 

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Incursion dans un autre monde

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robocop-unicorn

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